Source: Libération, France
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26/05/2009
Barcelone-Manchester, J-1 . Dans la ville, un autre club se veut le garant des certaines valeurs du football.
Par SONIA DELASALLE-STOLPER LONDRES, de notre correspondante
Les masques à l’effigie d’Eric Cantona distribués lors du dernier match de la saison, une opération publicitaire pour le film de Ken Loach Looking for Eric, présenté au festival de Cannes, n’auront pas porté bonheur à FC United of Manchester. Pour la première fois en quatre saisons d’existence, le club semi-professionnel n’a pas été promu. Il jouera toujours la saison prochaine dans la Northern Premier League Premier Division, la septième division du foot anglais. A des années lumières de la finale de la Ligue des champions que Manchester United jouera demain contre Barcelone.
FC United vs Manchester United, l’histoire a de quoi exciter plus d’un scénariste. Le pitch : la lutte des purs du jeu contre les durs du foot business. Le coup d’envoi : l’OPA réussie sur Manchester United, en mai 2005, par le magnat américain Malcolm Glazer, qui ne cache pas son intention de «faire du profit grâce à cette franchise». «Le dernier clou dans le cercueil du foot que nous aimons», réagit un fan de Man U. Pour certains supporters, déjà dégoûtés par la hausse vertigineuse des prix des billets les années précédentes, la pilule se révèle trop grosse à avaler. Le 14 juin 2005, une poignée d’entre eux crée le FC United of Manchester, sur le principe d’un membre-une voix.
Rêveurs. Les Red Rebels, les rebelles rouges, une référence aux Red Devils de Manchester United, démarrent au plus bas de l’échelle du foot anglais. Dans la «constitution» du club, ces rêveurs expliquent vouloir rendre une âme au football et le football au peuple ; cela dans une région où le ballon rond se respire à chaque coin de rue, où l’on trouve la plus grande concentration de clubs de foot au monde, dont quatre (Manchester City, Manchester United, Bolton et Wigan) évoluent en Premiere League.
L’histoire du FC United n’est pas toujours aussi rose qu’il y paraît. Les premières années, le nouveau club attire des gangs de jeunes désœuvrés, hooligans en puissance. En développant le travail social avec les communautés locales, le problème semble avoir été enrayé. Le sponsoring, admis mais banni jusqu’à présent de toute apparition sur les maillots, devrait devenir prochainement plus visible. Quant aux liens entre les supporters de Man U et ceux du FC United, ils sont loin d’être rompus. Red Issue, le magazine des supporteurs de Man U, ne rate jamais une occase de parler, en bien, du FC United. Dont les membres seront scotchés devant leur télé demain soir pour assister au dénouement de l’une des plus belles saisons de Manchester, déjà vainqueur de la Coupe du monde des clubs, du championnat et de la Coupe de la Ligue anglaise.
Pelouse. Question public, le FC United se débrouille plutôt bien. «Pour un club parti de rien, il attire une moyenne de 2 000 à 3 000 spectateurs par match, avec des pointes à 5 000, plus que la plupart des équipes du même niveau», confie Peter Spencer, qui couvre le FC United pour le Manchester Evening News. Pas mal, d’autant que le club ne possède même pas de terrain et qu’il doit jouer à Bury, dont l’équipe lui prête sa pelouse. «En fait, les horaires des rencontres sont bien pensés et certains supporters peuvent aller au stade voir le FC United en live,avant de partir au pub regarder Manchester United à la télévision.»
A la télévision, car pour le supporter de base de Manchester United, l’abonnement à Old Trafford est salé. 680 euros minimum pour la saison, auxquels s’ajoute l’achat obligatoire de tickets pour tous les matches (40 euros chacun). Et malgré la récession, le club d’Alex Ferguson est le seul d’Angleterre à ne pas avoir annoncé de gel du prix des billets. Le supporter du FC United, lui, paiera désormais son abonnement annuel ce qu’il peut, ou ce qu’il veut. Une initiative inédite lancé par le club pour la saison prochaine, avec un minimum demandé de 100 euros, contre un prix fixe de 150 euros cette saison. En un mois, le club a recueilli environ 40 000 euros de promesse de fonds, sur l’objectif fixé de 142 000 euros avant le début de la prochaine saison, histoire de financer, d’ici 2011, son propre terrain. A des siècles lumières des 325 millions d’euros de budget annuel qu’affiche Manchester United.