Wednesday, April 19, 2006

Le Monde: A Manchester, le FC United milite pour un football populaire

Source: Le Monde (France)

MANCHESTER (Angleterre) ENVOYÉ SPÉCIAL

A des années-lumière des camps d'entraînement luxueux des grands clubs, où le gazon est toujours vert et les vestiaires confortables, les joueurs du FC United of Manchester s'installent tous les mardis et jeudis soir sur les terrains du Broughton Rugby Club, dans un faubourg de Manchester. A un quart d'heure d'Old Trafford, le stade mythique de Manchester United, Karl Marginson, l'entraîneur du FC United, fait évoluer ses joueurs sur un petit terrain synthétique long d'une vingtaine de mètres. Il leur faut souvent attendre un bon quart d'heure sur le parking que les pupilles d'un club local finissent leur séance d'entraînement.

Malgré les apparences, l'équipe du FC United ne mène pourtant pas l'existence normale d'un club de la North West Counties Football League, la 10e division anglaise. Les rencontres sont suivies avec ferveur par 3 000 à 4 000 spectateurs, soit dix fois plus que la moyenne des autres équipes de la même division.

Tout a commencé en octobre 2004, lorsque la reprise de Manchester United par le milliardaire américain Malcolm Glazer est devenue fortement probable. "A ce moment, un certain nombre de gens ont commencé à se poser la question : "Que faire ?"", raconte Andy Walsh, directeur général du FC United et ancien président de l'association Independent Manchester United Supporters.

La réponse prend alors peu à peu forme : pourquoi ne pas fonder un autre club de football ? C'est fait au début de l'été 2005, et plusieurs milliers de supporteurs déçus de Manchester United donnent alors de l'argent pour la création du club. "Il ne s'agissait pas de faire dissidence, souligne Andy Walsh, mais plutôt de rassembler les supporteurs déçus par cette prise de contrôle par les propriétaires actuels." Un moyen de rassembler les "brebis perdues" en attendant que les choses changent peut-être un jour à Manchester United.

Pour les fondateurs et les supporteurs du FC United, l'état d'esprit des grands clubs déçoit. "Malcolm Glazer est vu par ceux qui soutiennent FC United comme une nouvelle manifestation du mouvement de commercialisation du football", souligne Andy Walsh. Et, pour ce dernier, la course à l'argent rompt le lien entre les grands clubs et leurs fans. "Les supporteurs ont investi leur temps et leur argent dans leurs clubs, pour leur développement, et ont tissé avec eux un lien de loyauté très fort." Mais aujourd'hui, regrette-t-il, "ces grands clubs voient les supporteurs comme des consommateurs et non pas comme des partenaires". A cela s'ajoute l'inflation des prix des places dans les stades. "Il devient très difficile pour un père d'emmener ses enfants au stade pour partager l'expérience d'un match "live", à cause du prix et parce que les tickets sont aussi achetés par des abonnés à l'année ou par des entreprises pour leurs clients", pointe-t-il.

Pour Andy Walsh, c'est la vie, la passion, les encouragements et les sifflets qui font aussi la qualité du spectacle d'un match de football. Et si les fédérations ne sont pas capables de protéger les intérêts des supporteurs, elles doivent permettre à ces derniers de s'en charger. Il y a toute une palette de solutions : depuis l'élection du conseil d'administration par les abonnés, comme au FC Barcelone, à une prise de participation majoritaire par les supporteurs, comme dans certains clubs allemands. Au FC United, chaque individu qui investit 1 livre ou plus dans le club peut voter aux assemblées, selon un principe d'égalité entre tous, et élire le conseil d'administration.

Si le FC United est riche de son histoire et de l'enthousiasme qu'il suscite, il n'en fonctionne pas moins avec de petits moyens. Les joueurs ne sont évidemment pas professionnels. Trois ou quatre d'entre eux ont des contrats "semi-professionnels", qui leur permettent de toucher environ 80 livres par semaine, soit 115 euros. Sinon, l'essentiel de l'effectif reçoit près de 50 livres par match joué, soit un peu plus de 70 euros. Tous travaillent dans la journée, à l'image de l'entraîneur Karl Marginson, qui est transporteur de fruits et légumes, ou de l'attaquant Jonathan Mitten, plombier de son état.

Le site Internet du club est un lieu important d'échanges entre FC United et ses supporteurs. Comme tout site de club, il donne des informations sur les joueurs, les matches ou les déplacements. Et des affiches des matches à venir sont téléchargeables depuis le site afin que les supporteurs puissent les imprimer et les placer un peu partout dans la ville. De même, parce que " le football est un sport si important dans la société", selon Andy Walsh, les animateurs du FC United cherchent à développer l'"empreinte sociale" du club, avec des animations dans les écoles et dans les quartiers environnants.

D'un point de vue sportif, l'objectif du nouveau club est de monter de deux divisions dans les trois ans à venir. A quelques journées de la fin de la saison, le club des rebelles de Manchester occupe la première place de sa division. Et les supporteurs sont de plus en plus nombreux à suivre ses matches. Les rebelles sont en marche.

Bertrand d'Armagnac

Article paru dans l'édition du 20.04.06

English translation: FC United Fight For People’s Football In Manchester


Light years from the luxurious training grounds of the top clubs and the changing rooms comfortable, the players of FC United can be found every Tuesday and Thursday evening on the grouns of Broughton Rugby Club in a suburb of Manchester. Fifteen minutes from Old Trafford, the mythical home of Manchester Unired, Karl Maginson the manager of FC United is developing his players on small synthetic pitch only twenty metres long. Sometimes they even have to wait in the car park while pupils from a local school finish their training session.

Despite appearances the team of FC United is far from a typical club in the North West Counties League, the 10th English division. Games are followed with enthusiasm by between 3,000 and 4,000 fans; 10 times more than the average for other clubs in the same division.

It all started in October 2004 when it started to look increasingly likely that American billionaire Malcolm Glazer's takeover Manchester United could succeed. "At that moment some people started asking themselves the question: "What should we do?", recalls Andy Walsh, Managing Director of FC United and former president of the association of Independent Manchester United Supporters.

The answer took shape slowly: why not simply set up another football club? This is what happened at the beginning of 2005 and several thousands of supporters disappointed by Manchester United donated their money to the creation of the club. "It wasn't about being a nuisance," emphasises Andy Walsh, "but more about bringing together those supporters disappointed by this seize of power by the current owners". A means of gathering the "lost sheep" and waiting for things to change one at Manchester United.

For the founders and fans of FC United, the spirit of the big clubs is deceptive. "Malcolm Glazer is viewed by those who support FC United as yet another example of the commercialisation of football", explains Andy Walsh. And for Walsh the "money race" is breaking the link between the large clubs and their fans. "Fans have invested their time and their money in their clubs for their development forming a very strong bond of loyalty between them. But today, he regrets, "the large clubs see fans as consumers and not as partners". In addition there is the inflation of prices at the grounds. "It is becoming very difficult for fathers to take their children to take part in the experience of a live match because of the price and because tickets are snapped up by season ticket holders or companies as hospitality for their guests."

For Andy Walsh, it's living the life, the passion, the chants and the whistles which are part of the spectacle of a football match. And if clubs are not able to protect the interest of the fans, they have to allow the fans to go their own way. There is a whole range of solutions: from the election by season ticket holders of the board, as at Barcelona, or obtaining a majority shareholding by the fans, as is the case at some German clubs. At FC United each member who invested one pound or more in the club is entitled to vote at meetings according to the principle one member, one vote, and to elect the board.

If FC United is enriched by this story and the enthusiasm it causes, it sill has to manage on small means. The players are obviously not professionals. Three or four of them have semi-professional contracts meaning they earn around 80 pounds (115 Euros) per week. Otherwise the rest of the players earn close to 50 pounds (a little more than 70 Euros) per match. They all have full-jobs just like the manager, Karl Marginson, who delivers fruit and vegetables, or the centre forward Jonathan Mitton who is a plumber.

The club's website has become an important place for exchange between FC United and its fans. Just like every club website, it provides information about players, matches and away. The posters for upcoming matches can also be downloaded from the site so that fans can print them and post them around the town. Because "football is so important to the community", according to Andy Walsh, is why those running FC United are looking to develop a community mark for the club with events in schools and surrounding districts.

From the sporting point of view the aim of the new club is to get two promotions over the coming three years. With some days still to go until the end of the season, the club of the rebels of Manchester is top of the division. And more and more supporters are coming to the matches. The rebels are on the march.